DUSCHNOCK

Cette histoire, je la dédie à tous ceux qui ont peur de paraître ridicule, les éternels effacés, les timides, les timorés. Lorsque j'ai pris la direction pédagogique d'un centre de formation en gestation d'avenir pour les métiers de la sécurité privée, tout était à faire pour apporter de la crédibilité, du sens, et une certaine rigueur à cette fonction d'agent de sécurité. Longtemps ces derniers ont été considérés comme des gros bras, des miliciens aux ordres de patrons peu scrupuleux, des briseurs de grève. Il fallait apporter une déontologie se situant en parallèle avec celle des forces de polices traditionnelles. A force d'obstination et de persévérance, j'ai réussi à changer les mentalités des dirigeants de services de sécurité  privée en leur apportant des perspectives plus valorisantes dès lors ou leur personnel possède une qualification reconnue par le rectorat, le CAP. Pour parfaire cette formation indispensable, j'avais recruté un personnel de choix, souvent issu de la gendarmerie et des pompiers.Chaque séance de recrutement des stagiaires faisait l'objet de tests de compréhension du français car l'application des consignes est fondamentale pour exercer le métier. Notre souci, ne pas recruter n'importe qui au risque de dévaloriser le but recherché. La motivation des candidats à ces formations de 6 mois est essentielle. Le plus souvent nous avions affaire à des jeunes marginalisés par l'éducation nationale, bien souvent mal dans leur peau. Tout le monde peut faire de la sécurité son métier, à la condition extrême d'être rigoureux avec soi même et autrui. Lors de ce premier stage menant à l'obtention du CAP j'avais remarqué un jeune bien trop effacé. Comme dans tout troupeau vous avez des meneurs et des moutons noirs. Je voyais bien que ce jeune surnommé DUSCHNOCK par ces collègues supportait  mal ces moqueries et il était difficile pour moi d'intervenir dans la mesure ou je me dois une parfaite neutralité. Lors de la fin de stage, j'organise une séance de prise de parole ou chaque stagiaire doit tenir une sorte de conférence. Pour certains, on voyait qu'ils avaient pris de l'assurance, pour d'autre par contre, l'épreuve se révélait un fiasco malgré des attitudes fanfaronnades. Arrive mon fameux DUSCHNOCK. Je lui donne comme sujet "faire le parallèle entre sécurité privée et publique". Il monte sur l'estrade et il commence à donner des idées fortes sans pour cela regarder la salle et en baissant les yeux. Une attitude complètement effacée. Je me déplace dans la salle et l'oblige à me parler en me regardant. Petit à petit il prend de l'aisance, commence à se redresser et sa voix devient plus posée. Il réplique avec tact à certaines observations de la classe sans se départir de son calme et pour la première fois, oser à regarder les interlocuteurs. Ces derniers sont subjugués, surpris voir meme enthousiasme devant sa prestation. Lui qui avait durant tout le stage avait accepté ce role d'effacé, se révélait comme un leader. Mon DUSCHNOCK est sorti majeur de cette promotion et il a rejoint une agence de sécurité ou il exerce des fonctions de télésurveillance. Je suis resté longtemps en liaison avec lui et j'ai su qu'il avait pris son essor en dirigeant lui même sa propre entreprise. Voyez comme quoi dans tout être humain,se cache des trésors qui ne demandent qu'à se révéler. Le rôle des formateurs n'est pas seulement d'être vulgarisateurs de connaissances, mais aussi d'être le référant de l'évolution mentale de ses élèves. Il faut être à l'écoute, sentir le mal vivre, observer et surtout s'impliquer dans le déroulement du bien vivre. J'ai vu bien des formateurs ignorants de ces principes memes; et les résultats sont toujours médiocres. Pour finir cette histoire en beauté, lors de ce premier stage, tous les stagiaires ont obtenu leur CAP, Si vous aviez vu leur visage radieux en recevant leur diplôme, vous n'auriez pas besoin d'autres satisfactions de votre travail.