LE TEMPS DES CERISES

Quand je pense à cette époque de mon existence, à la sortie de la guerre, je me dis que nous avions une vie beaucoup plus difficile. Nous n'avions pas d'autres fruits que des pommes ratatinées et ridées, des noix et des noisettes. Sur l'étalage du commerçant du village on voyait quelques oranges, des bananes mais ce n'était pas pour nous, bien trop cher. Je ne fais pas du misérabilisme, nous étions quand meme heureux de vivre à la campagne dans un univers de liberté pour nous les jeunes. Comme je l'ai écrit précédemment, notre terrain de jeu c'était l'extérieur, été comme hivers. A l'approche du mois de mai, après des hivers rigoureux, nous guettions les premières merises et surtout les cerises. La petite bande que nous étions, à l'image des étourneaux qui nous devançaient toujours, faisions des repérages pour dénicher le cerisier objet de notre convoitise. Nous avions reperé un magnifique bigarrotier dans le verger jouxtant les jardin de la brigade de gendarmerie, là où opérait mon pére. Ce n'était pas possible de laisser tous ces fruits à la merci des étourneaux sans que nous puissions nous aussi nous régaler. Après avoir bien observé les environs, ont décide de franchir le mur et là les amis, un régal. De gros bigarreaux ronds et juteux à souhait, une ventrée de cerises à l'image des moineaux. Au retour, manque de chance le propriétaire nous a aperçu et il s'est bien douté de ce que nous avions fait. Je précise que nous ne faisions aucun dégat car ce n'etait pas dans nos génes. La journée se passe tranquillement mais en rentrant à la maison, mon père qui avait été avisé par le propriétaire, m'attrappe me met une raclée et me demande avec qui j'avais chapardait les cerises du voisin. Mutisme de ma part et pour me punir, m'enferme dans la cellule de la brigade ou je suis resté toute la nuit sans manger. Au matin, mon père me dit rien et je pars à l'école. Mes copains inquiets me demandent ce qui m'étais arrivé en voyant ma mine déconfite. Quand je leur est dit que j'vais passé la nuit en cabane, ils ont commencé eux aussi à paniquer. Quelques jours plus tard, je pensais que cette affaire était du domaine du passé, mon pére arrive à l'école et avec l'accord de l'instituteur, entre dans ma classe. Inutile de vous dire que j'en menais pas large. Et la devant toute la classe il a raconté ce que j'avais fait en compagnie de quelques uns parmi vous. Je me tassais un peu plus sur mon banc car il m'a fait une leçon de moral que je n'oublierais jamais. Honte et tout penaud je n'en menais pas large dans la cour lors de la récrée. Mais là au contraire, mes copains ont fait bloque autour de moi. Quant à l'instituteur, jamais il n'a abordé ce sujet car dans les campagnes c'était monnaie courante pour les gamins de chaparder les fruits après cette disette hivernale. Néanmoins la leçon a été rude pour moi et je pense que la réaction de mon père s'il elle était justifiée, dépassait largement la nature de ce fait. Meme le propriétaire du verger qui  n'était pas rancunier à mon égard, a quelques jours plus tard, m'a offert un panier de cerises. Voyez la tete de mon pére lorsque j'ai ramené ces cerises à la maison. Mroralité de cette affaire, symbolique de notre éducation, la petite bande que nous étions  opta pour une autre technique tout aussi révélatrice de notre apétance aux fruits rouges, on offrait  nos services  pour de menus travaux aux propriétaires de vergers et en échange on profitait allégrement de notre présence pour se gaver comme les étourneaux. Au moins là on ne risquait pas la dérouilée et la mise au trou. Autre époque autre ambiance. A mediter.